Le photographe

D’Em­ma­nuel Gui­bert et Didier Lefèvre, ****

Didier, pho­to­graphe, part en Afgha­nis­tan avec son Lei­ca M, son Nikon F2 et son stock de pel­li­cule. Il va cou­vrir une mis­sion de Méde­cins sans fron­tières, qui rejoin­dra le nord du l’Af­gha­nis­tan depuis le Pakis­tan, à pied pour évi­ter les routes sur­veillées par les Sovié­tiques (on est en 1986, en pleine guerre russo-afghane).

Un mois de marche, un mois de mis­sion huma­ni­taire, puis un mois de marche… Trois mois à près de cinq mille mètres d’al­ti­tude, quatre mille pho­tos prises, quelques occa­sions de mou­rir ratées de peu, un peu de pri­son au pas­sage, tout ça pour un repor­tage de quelques pages : au-delà d’un métier, l’in­for­ma­tion devient par­fois un sacerdoce.

Cette mis­sion, Didier Lefèvre l’a racon­tée dans un livre ; c’est celui-ci qui est aujourd’­hui adap­té en bande des­si­née… et photographiée.
Emma­nuel Gui­bert a, en quelque sorte, des­si­né les pho­tos qui man­quaient. Un coup de crayon sobre, simple, qui fait la part belle à l’ac­tion. Et, çà et là , des pho­tos, des mor­ceaux d’Il­ford HP5, des planches-contact reca­drées, rayées, tor­tu­rées au marqueur.

Pour l’a­ma­teur de repor­tage pho­to­gra­phique, cette «BD» est une pana­cée. Au-delà du docu­men­taire sur un métier pas tou­jours facile, une vision d’un monde, d’un état détruit par une inva­sion, où la simple sur­vie est par­fois déli­cate. De plus, on y découvre, sou­la­gé, que Didier Lefèvre n’est pas un «sur-pho­to­graphe» : comme tout le monde, il déclenche dix fois pour une pho­to cor­recte, cent fois pour une bonne. En trois mois, une dizaine de mer­veilles gra­phiques (sou­vent affi­chées sur une pleine page) pour des cen­taines de lumières vacillantes, de cadrages ratés, de sur­ex­po­si­tions violentes…

Pour l’a­ma­teur d’«histoire d’hommes» (d’où les femmes, loin d’être absentes, se per­mettent à l’oc­ca­sion de prendre le com­man­de­ment), une vraie aven­ture, avec des ten­sions, de la peur, des efforts incom­men­su­rables… Et des ins­tants d’hu­mour pur, de fous rires, d’a­nec­dotes qui font peur tout en amusant…

Seul l’a­ma­teur autiste de bande des­si­née belge, pour qui seule une aven­ture de Tin­tin mérite d’être contée, devrait res­ter sur sa faim.
Pour ma part, j’adore.

On note­ra au pas­sage que le troi­sième tome inclut un DVD réa­li­sé par la direc­trice de la mis­sion huma­ni­taire racon­tée, sou­vent dur mais pas­sion­nant — hélas un peu court.