Music box

de Costa Gavras, 1989, ****

Faut que je l’a­voue, je suis pas du tout spé­cia­liste de Gavras. En fait, j’ai vu quatre films de lui, qui m’ont convain­cu qu’il était capable du meilleur comme du pire : Z (film fran­çais, avec Yves Montand, 69), très fort mais sou­vent un peu lon­guet, La main droite du diable (amé­ri­cain, avec Tom Berenger, 88), sou­vent pas mal chiant et assez dis­cu­table, Le cou­pe­ret (fran­çais, avec José Garcia, 04), assez génial de bout en bout quoique pas tou­jours très sub­til, et donc ce Music box (amé­ri­cain, avec Jessica Lange, 89).

Il y a un gros point com­mun entre ces quatre films — par­ti­cu­liè­re­ment les trois der­niers –, c’est la ques­tion du monstre. Qui est-il, où est-il, peut-on le reconnaître ?

Et dans la série, c’est sans doute Music box qui pose la ques­tion de la manière la plus criante, la plus douloureuse.

Ann Talbot est avo­cate, fille d’un immi­gré hon­grois, veuf char­mant, gen­til, atten­tion­né. On y retrouve un peu le père de famille sym­pa­thique quoique vague­ment raciste inter­pré­té par Tom Berenger dans La main droite du diable.

Mais un jour, les auto­ri­tés amé­ri­caines lancent une pro­cé­dure judi­ciaire contre le si doux père, soup­çon­né d’être Michka, un membre actif d’un groupe nazi hon­grois res­té en acti­vi­té zélée jus­qu’aux der­niers jours de la seconde guerre mon­diale. Les preuves sont acca­blantes, les témoi­gnages concor­dants, et Ann décide de sau­ver son père, qu’elle connaît si bien et qui ne ferait pas de mal à une mouche, de cette tra­gique méprise…

Les habi­tués de La main droite du diable ou de Le cou­pe­ret auront déjà sai­si l’as­pect essen­tiel du film : l’en­ne­mi, le monstre, est-il exté­rieur ou som­meille-t-il en cha­cun de nous ? Peut-on être le plus sen­sible des hommes et le plus cruel des assas­sins ? Connaît-on vrai­ment ceux que l’on aime ?

Ce sont ces ques­tions, cen­trales, qui feront toute la force de ce film. Et comme Gavras nous épargne les lon­gueurs dont il a truf­fé cer­taines autres œuvres, on se retrouve cap­ti­vé, entraî­né dans un polard redou­table dont on pressent la fin tout en refu­sant tou­jours d’y croire.

Parce que, au fond, le monstre n’est pas que dans les per­son­nages : il est peut-être aus­si quelque part dans les spectateurs.