No country for old men (Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme)

de Ethan et Joel Coen, 2007, ****

À pre­mière vue, on a l’im­pres­sion que les frères Coen reviennent à leurs pre­mières amours : le polar contem­po­rain (rap­pe­lez-vous Sang pour sang, Fargo ou The big Lebowsky).

Llewelyn Moss, occu­pé à bra­con­ner son pain quo­ti­dien dans le sud du Texas, tombe sur un lot pick-ups aban­don­nés. Autour des véhi­cules, des corps et, à l’in­té­rieur, un type plus qu’à moi­tié mort, un stock de drogue et deux cent mille dol­lars. Règlement de comptes entre tra­fi­quants qui a mal tour­né ? Comme tout le monde, Moss récu­père le sac aux billets et rentre chez lui dare-dare.

Le pro­blème, c’est le der­nier homme — il y a tou­jours un der­nier homme. Il se met au cul de Moss, cher­chant à récu­pé­rer l’argent. Et comme il a une case en moins qui le pousse à sim­pli­fier au maxi­mum ses rela­tions avec les autres (t’es mort, je me sers, c’est simple), son propre employeur vient de lui col­ler un tueur aux basques. Et paral­lè­le­ment, le vieil homme du titre, le shé­rif Bell, pressent une belle salo­pe­rie et essaie de récu­pé­rer Moss avant ses poursuivants.

Tous les ingré­dients sont en place pour un hybride de wes­tern et de road-movie comme les Coen savent les faire. Avec pas mal d’hu­mour déca­lé, bien sûr.

Pourtant, ce No coun­try for old men finit par dyna­mi­ter les cli­chés du genre. La piste prin­ci­pale se révèle tota­le­ment oubliée à la fin, où il se passe un truc qu’on n’at­ten­dait pas vrai­ment (voire vrai­ment pas). Enfin non, deux trucs. Qui redonnent une pers­pec­tive nou­velle au titre et, sur­tout, au per­son­nage de Bell, qui incar­nait jusque là le flic à l’an­cienne, un peu dépha­sé par le monde moderne mais qui ne lâche rien et finit quand même par arri­ver à ses fins — un rôle sur mesure pour Tommy Lee Jones, qui l’a déjà tenu dans MIIB. Car, fina­le­ment, le per­son­nage cen­tral (on ne peut pas vrai­ment par­ler de héros à ce stade) n’est pas celui qu’on pense.

Comme sou­vent chez les Coen, l’hu­mour est omni­pré­sent, déca­lé et por­té par des dia­logues réus­sis. La pho­to est magni­fique, les acteurs impec­cables, le rythme par­fai­te­ment maî­tri­sé. L’hémoglobine un peu visible, aus­si. Mais c’est sur­tout le retour­ne­ment savant et habile du road-movie poli­cier qui fera res­ter ce film dans les mémoires. Finalement, après quelques jours de repos (j’ai vu ce petit bijou mer­cre­di), il laisse une impres­sion tota­le­ment dif­fé­rente des autres films récents des fran­gins (Intolérable cruau­té ou O’Brother), beau­coup plus sérieuse, beau­coup plus « blues », mais pas moins forte.