Gamines

de Eleonore Fauch­er, 2009, ****

L’aînée se prend pour la mère, la ben­jamine est la petite fille dont on se sert s’il faut un appui et que l’on pro­tège des mau­vais coups. Au milieu, la cadette dépare : dans son physique, car elle est la seule blonde de sa nom­breuse famille de ritals, et dans son com­porte­ment, puisqu’elle est le garçon de la famille — autonome, fou­teuse de merde, “artiste” selon son oncle. Bref, parce qu’elle ressem­ble à son père, un pein­tre Français quit­té dont il con­vient de ne jamais rap­pel­er l’ex­is­tence à quiconque.

C’est curieux, mais il y a des gens qui savent filmer des his­toires banales, et d’autres non. Cer­tains met­tent en valeur la vacuité d’une exis­tence ordi­naire en trans­for­mant le vision­nement de leur œuvre en chemin de croix, tan­dis que d’autres savent soulign­er des petits détails, des touch­es dis­crètes d’hu­man­ité, les minus­cules plaisirs et douleurs de la vie. Dans le cas d’Eleonore Fauch­er, qui adapte ici un roman de Sylvie Tes­tud, ça marche à fond.

D’une part, parce que les actri­ces sont par­faites, tour à tour don­neuses de leçons, car­ac­térielles, émou­vantes et trognon. D’autre part, parce que l’his­toire est par­ti­c­ulière­ment bien con­stru­ite, autour de petites touch­es impres­sion­nistes — et le pre­mier trait pré­fig­ure déjà l’ensem­ble du tableau —, sans cul­cul­terie exagérée, la toile ten­ant par l’om­ni­ab­sente image du père. Enfin, parce que les détails et dia­logues tombent à chaque fois comme il con­vient, justes et vrais.

On peut regret­ter un pas­sage à vide final, à l’âge adulte, où juste­ment cette finesse gra­cieuse laisse la place à un dia­logue un peu lourd à digér­er, et où le cast­ing est moins évi­dent (si la ressem­blance entre Sylvie Tes­tud et Zoé Duthion saute aux yeux, on con­fon­dra facile­ment aînée et ben­jamine, jouées par des actri­ces sen­si­ble­ment du même âge et n’ayant pas par­ti­c­ulière­ment d’air de famille avec l’in­car­na­tion enfan­tine de leurs per­son­nages). Un peu dom­mage, mais il s’ag­it là de dix min­utes d’un film d’une heure trois quarts ; on ne lui en tien­dra pas trop rigueur, le reste étant tout sim­ple­ment adorable (cherchez pas, c’est la pre­mière fois que j’u­tilise ce mot dans une cri­tique de film).

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