True blood

d’Alan Ball, depuis 2008, ***

Sookie est blonde, jolie, ser­veuse, a une ving­taine d’an­nées et, de l’a­vis géné­ral, est au mieux bizarre, au pire débile. Il faut dire qu’elle évite de trop réflé­chir et de faire atten­tion aux gens, parce qu’elle a l’en­com­brant don d’en­tendre ce que pensent les autres. Elle ren­contre Bill, vam­pire déci­dé à se mêler paci­fi­que­ment aux humains, et découvre que ses pen­sées lui sont inau­dibles : enfin quel­qu’un avec qui flir­ter sans entendre un gros « bon sang faut que je la saute » quand il demande poli­ment si le film lui a plu. Elle en tombe donc amou­reuse, sans prê­ter atten­tion ni aux mau­vaises langues qui disent que les vam­pires sont des êtres malé­fiques, ni à l’é­ner­ve­ment de son patron amou­reux tran­si, ni aux conseils de sa meilleure amie, ni aux sta­tis­tiques locales qui voient assas­si­ner trois jeunes femmes en quelques semaines juste après l’ins­tal­la­tion de Bill.

Sur le fond, la série est un peu para­doxale, avec d’un côté quelques resu­cées amu­santes de pro­blèmes endé­miques du sud des États-Unis — l’ac­tion se passe en Louisiane — comme le racisme ou l’exis­tence de groupes de nui­sances auto­nomes, mais de l’autre une niai­se­rie lour­dingue régu­liè­re­ment répé­tée de « je t’aime mon amûr sur la plage à mou­rir » entre la blon­di­nette et son brun téné­breux. La reprise régu­lière de thèmes récur­rents du fan­tas­tique a un côté syn­cré­tisme assez amu­sant, aus­si, même si les élé­ments au-delà de la télé­pathe et des vam­pires sont trop sou­vent ame­nés sans ménagement.

Sur la forme, c’est glo­ba­le­ment assez pauvre, avec un sché­ma beau­coup trop sys­té­ma­tique de réso­lu­tion par­tielle de la ques­tion de chaque épi­sode juste avant un bon gros « cliff­han­ger » comme les scé­na­ristes amé­ri­cains en ont le secret. Une fois le truc assi­mi­lé, soit après le troi­sième épi­sode si vous êtes un peu lent d’es­prit, vous sen­tez venir la fin de l’é­pi­sode deux minutes avant qu’elle se pro­duise et, la moi­tié du temps, pou­vez même pré­dire quel sera le retour­ne­ment lais­sé en sus­pens dans le der­nier plan.

Ajoutons à cela des acteurs glo­ba­le­ment assez moyens — qui ont tou­te­fois le bon goût de s’a­mé­lio­rer au fil des épi­sodes, en par­ti­cu­lier Anna Paquin qui est fran­che­ment à côté de ses pompes dans les deux-trois pre­miers et devient fort cor­recte sur les der­niers — et une quan­ti­té de cli­chés à faire pâlir les archives de Sygma (la black grande gueule qui fait fuir tout le monde, le black homo trop gen­til mais un peu dea­ler quand même, le bel­lâtre blon­di­net qui court après sa queue, la grand-mère trop gen­tille qui adore tout le monde, le flic trop con pour vivre, même le meilleur ami qui est l’as­sas­sin en fait [spoi­ler, sélec­tion­nez pour lire et ne sélec­tion­nez pas si vous n’ai­mez pas les spoi­lers]), et vous obte­nez un truc fina­le­ment assez bateau, de la série amé­ri­caine typique de la ten­dance post-Dexter, qui essaie de sur­fer sur la vague des séries trash et glauques mais reste fina­le­ment trop sage pour vrai­ment sor­tir du lot.

Soyons pas méchants : ça se laisse regar­der sans déplai­sir. Mais c’est très loin d’autres œuvres du même créa­teur — Alan Ball fut par exemple le scé­na­riste de l’im­mor­tel American beau­ty, et est à l’o­ri­gine de l’ex­cel­lem­ment construit Six pieds sous terre.