Facebook, Wikipédia et les langues

Soit j’a­vais sau­té la ligne en rem­plis­sant mon pro­fil, soit elle a été ajou­tée depuis, mais voi­là : je viens de décou­vrir (mer­ci Ghusse) que Face­book per­met d’af­fi­cher les langues qu’on parle.

Cool, non ?

Sauf que par­ler une langue, c’est une notion super floue, en fait. Et que Face­book gère le truc à son habi­tude : soit tu parles, soit tu parles pas.

Or, d’ex­pé­rience, si je suis bien réveillé, un his­pa­no­phone qui me demande son che­min, je peux lui répondre, peut-être pas par­fai­te­ment, mais suf­fi­sam­ment pour qu’il devine ce que j’es­saie de dire. D’ex­pé­rience aus­si, s’il me demande quoi que ce soit d’autre, c’est mort.

Alors, mettre une langue sur ma page, ça veut dire quoi ? Que quel­qu’un peut me par­ler dans cette langue et attendre une autre réponse que “Euh… Certes ?” ? Et dans quel contexte ? À quelle heure de la jour­née ? À quel niveau d’alcoolisation ?

En com­pa­rai­son, les pages uti­li­sa­teurs de Wiki­pé­dia per­mettent de défi­nir le niveau de maî­trise d’une langue : mater­nelle, pro­fes­sion­nelle, qua­si-mater­nelle, avan­cé, moyen, élé­men­taire ou dif­fi­cul­tés notables. Bon, là, c’est super pré­cis, voire un peu trop détaillé (si j’en juge par mes Nip­po-coréens, j’ai un anglais pro­fes­sion­nel, sauf que si jamais je croise un Écos­sais il va vite s’a­per­ce­voir que c’est pas for­cé­ment tou­jours ça…).

Per­son­nel­le­ment, je parle fran­çais à peu près cor­rec­te­ment — c’est ma langue mater­nelle (et pater­nelle aus­si d’ailleurs). Je suis un poil moins à l’aise en anglais, mais j’ar­rive à suivre et tenir des conver­sa­tions cou­rantes pour peu que mes inter­lo­cu­teurs n’aient pas un accent irlan­dais ou écos­sais, ou texan d’ailleurs.

Ita­lien et espa­gnol, c’est la rou­lette : selon la phrase, l’ac­cent, ce qu’il faut dire, ça peut à peu près pas­ser ou pas du tout.

Japo­nais, ben, je sais deman­der poli­ment si on parle anglais, et remer­cier en par­tant, c’est déjà pas mal, ça se perd vite, le japo­nais… En fait, main­te­nant, je parle qua­si­ment aus­si bien alle­mand — deux semaines à Cologne en deux ans, main­te­nant, je sais dire “eine bier, bitte”, ce qui est tout ce qu’on peut avoir besoin de dire dans cette langue.

Mais ça, c’est trop sub­til pour Face­book. Parce que la seule langue que parle Zucker­berg, c’est le booléen.