Le secret de la Licorne

de Steven Spiel­berg, 2011, **

Boaf.

Com­ment, c’est un peu court ? Com­ment, vous voudriez en savoir plus ? Bon, je pen­sais pas utile de tir­er sur les ambu­lances, mais puisque vous demandez…

Alors, je vous préviens, je vais racon­ter le début, la fin et le reste. Si vous voulez décou­vrir par vous-mêmes, allez‑y et revenez me lire après.

D’abord, y’a un truc que je pige pas. Le secret de la Licorne et Le tré­sor de Rack­ham le Rouge sont sans doute les deux albums qui se prê­tent le mieux à une adap­ta­tion ciné­matographique : ils ont tout, de l’énigme, de l’ac­tion, de l’hu­mour. Alors, pourquoi avoir préféré mélanger Le crabe aux pinces d’or et Le secret de la Licorne ? Le résul­tat est sans appel : le film s’ar­rête là où il aurait dû se relancer. Je pen­sais que la rai­son était basse­ment économique (couper au milieu pour faire revenir les gens), mais non : le prochain épisode, con­fié à Peter Jack­son, devrait être Le tem­ple du Soleil. Donc, on a une his­toire finie qui donne l’im­pres­sion de ne pas l’être, puisque les dernières répliques annon­cent claire­ment un départ vers les Antilles…

Ensuite, il sem­blerait qu’il ait fal­lu trois scé­nar­istes pour pon­dre cette adap­ta­tion. Parce que bonne nou­velle : la mai­son Moulin­sart s’est enfin décidée à autoris­er quelqu’un à dépous­siér­er un peu l’œu­vre d’Hergé, l’adap­ta­tion étant rad­i­cale­ment dif­férente des albums. Et donc, ces trois-là n’ont pas tiqué une sec­onde sur les énor­mités du scé­nario qu’ils ont signé ?

La plus belle : pour repér­er un bateau, il suf­fit de suiv­re ses émis­sions radio (jusque là, ça va). Et pour ça, il faut savoir sur quelle fréquence il émet… Euh… Je suis le seul à me dire que si chaque bateau avait une fréquence que per­son­ne con­naît, ça serait beau­coup plus com­pliqué de gér­er le traf­ic mar­itime ? En fait, il suf­fit d’é­couter les fréquences de nav­i­ga­tion et d’y chercher l’indi­catif du bateau qu’on veut, au moment où il va deman­der un remorqueur ou un pilote. À moins qu’on souhaite espi­onner les rap­ports qu’il ferait directe­ment à son arma­teur, mais là, c’est oubli­er une chose : dans ce scé­nario, l’ar­ma­teur est à bord, et le Karaboud­jan n’a aucune rai­son de pass­er des coups de TSF à moins d’avoir besoin d’une inter­ven­tion pour entr­er au port ou franchir une passe délicate.

Une autre pour la route ? Had­dock, c’est un super marin. C’est pour ça qu’il hésite pas à débor­der une chaloupe en manip­u­lant tout seul un bossoir piv­otant pen­dant qu’on lui tire dessus… Après, faut pas s’é­ton­ner qu’il débraye un palan avant l’autre et que la chaloupe se retrou­ve pen­due à un seul porte-man­teau : c’est prévu pour être manip­ulé calme­ment avec au moins deux hommes à bord, ces machins-là. De là à faire deux fois la même con­ner­ie, non, j’y crois pas.

Oh, et ce fameux verre pare-balles qui résiste pas au con­tre-ut de la Castafiore… Pourquoi un verre casse-t-il, rap­pelez-moi ? Parce qu’il résonne : il faut que la note envoyée soit pure, très puis­sante (plus qu’une chanteuse lyrique, au pas­sage), et que sa fréquence soit calée pour faire entr­er le verre en réso­nance et ampli­fi­er ses vibra­tions jusqu’à la rup­ture. Et pourquoi le verre résonne-t-il bien ? Parce qu’il est par­faite­ment pur, c’est pour ça que ça ne marche qu’avec le meilleur cristal. Et le verre ren­for­cé, il est pur ? Ben non, c’est le principe même du verre blindé : des feuil­letages mul­ti­ples de verre et de poly­car­bon­ate. Quelle est la prob­a­bil­ité que les couch­es de verre et celles de poly­car­bon­ate réson­nent à la même fréquence ? Zéro.

Ah, et ce sim­ili-Beaver qui se met à fumer comme s’il avait un joint de culasse pété parce que… une balle a coupé un câble d’al­lumage ! Tout le monde sait que quand on coupe le con­tact, un moteur à essence fume noir, pas vrai ?

Ajou­tons des scènes d’ac­tion trop longues et sou­vent bien molles, et l’on a les ingré­di­ents d’un grand ratage.

C’est pas tout à fait le cas.

D’abord parce que la réal­i­sa­tion n’est, après tout, pas si mau­vaise. Il y a même des pas­sages qui tour­nent bien. La mod­éli­sa­tion et l’an­i­ma­tion sont impec­ca­bles et le ren­du en 3D par­ti­c­ulière­ment soigné, avec de très belles tex­tures (je par­le bien du ren­du 3D, pas de la stéréo­scopie qui vise à don­ner l’il­lu­sion de relief et qui, elle, est totale­ment banale et beau­coup moins bien util­isée que dans Res­i­dent evil : After­life).

Ensuite parce que l’e­sprit des Aven­tures de Tintin est préservé, avec le même mélange d’hu­mour lour­dingue, d’ac­tion, de polar, de coïn­ci­dences incroy­ables aussi.

Enfin parce qu’il y a plein de petites choses sym­pa, comme la toute pre­mière scène où un dessi­na­teur de rue tire le por­trait de Tintin, ou la superbe réha­bil­i­ta­tion du rot­tweil­er, chien sym­pa s’il en est.

Bref, on s’en­nuie pas trop, et y’a quelques clins d’œil sym­pas. Mais ça n’en fait pas un bon film.

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