3h10 pour Yuma

de James Mangold, 2007, ****

En sché­ma­ti­sant, il y a trois wes­terns. Le clas­sique, amé­ri­cain, avec un ou des héros forts et des méchants bien iden­ti­fiés. Le spa­ghet­ti, ita­lien, plus ver­sé dans le second degré et géné­ra­le­ment très ambi­gu avec des héros à moi­tié hon­nêtes et des méchants à moi­tié sym­pas. Le moderne, amé­ri­cain, avec un héros fort mais tor­tu­ré, désa­bu­sé ou cynique, et des méchants bien méchants. Pensez Alamo, Le bon, la brute et le truand et Open range pour bien saisir.

Le wes­tern spa­ghet­ti est le plus inven­tif des trois, allant du très grand film inat­ta­quable (Il était une fois dans l’Ouest) à la paro­die lou­foque (On l’ap­pelle Trinita). Il a du coup ins­pi­ré des géné­ra­tions de réa­li­sa­teurs sur toute la pla­nète, qui font ce qu’on pour­rait appe­ler des « wes­terns kim­chi » (Le bon, la brute, le cin­glé), des « wes­terns dim sum » (Vengeance), des « wes­terns bouilla­baisse » (Les insou­mis)…

Tout ceci pour dire que ce remake de 3h10 pour Yuma de Delmer Daves est quand même lar­ge­ment un « wes­tern ham­bur­ger ». On retrouve le héros sombre et bles­sé, même s’il est un peu moins ambi­gu que dans un vrai spa­ghet­ti ; on retrouve le méchant fran­che­ment pas méchant et très faux cynique en fait, et l’es­pèce de res­pect foi­reux qu’il y a entre les deux. On retrouve un thème musi­cal aisé­ment iden­ti­fiable, dans un style très « mor­ri­co­nien », et une mise en scène alter­nant lan­guis­santes mises en places sui­vies d’ac­cé­lé­ra­tions bru­tales pour les scènes d’ac­tion. On retrouve les plans pano­ra­miques se ter­mi­nant sur un per­son­nage, les gros plans sur les yeux en légère contre-plon­gée, les dia­logues soi­gnés tein­tés de cynisme et d’hu­mour noir.

Bien sûr, on peut le clas­ser dans les wes­terns modernes, avec Impitoyable (autre his­toire de fer­mier qui reprend le sen­tier de la guerre) et Open range. Mais il y a vrai­ment trop d’in­gré­dients du spa­ghet­ti, dans les cadrages et le mon­tage en par­ti­cu­lier, pour qu’on puisse ne pas le mentionner.

À côté de ça, les inter­ro­ga­tions sur les limites de la morale, de l’hé­roïsme, des valeurs à trans­mettre à nos enfants sont bien gérées, l’am­biance du huis-clos qui pré­cède le com­bat final est fort réus­sie et l’en­semble est très bien fice­lé. Et même Russell Crowe joue bien.

Du coup, c’est un film de genre, mais pour les ama­teurs, c’est du solide.