Priorités

Demain, il y aura deux manifs à Paris. L’une, bap­ti­sée “marche pour la vie”, réuni­ra ceux qui se réjouissent de la remise en cause du droit à l’IVG en Espagne ; l’autre est là pour réagir à la première.

Et là, je viens de réa­li­ser un truc.

Je connais des per­sonnes qui ont tué des gens. Et pas tou­jours par acci­dent. Et pas des fœtus, non, des gens, par­fois adultes, en tout cas avec une vraie vie auto­nome, et qui ont été abat­tus ou bom­bar­dés volon­tai­re­ment¹. Ils avaient déjà une exis­tence construite et pou­vaient avoir des familles, des amis, etc.

Je connais aus­si des per­sonnes qui se sont fait ôter un fœtus. Ce n’é­taient pas des indi­vi­dus avec une vie auto­nome, mais des amas de cel­lules dépen­dant de leur por­teuse et inca­pables d’exis­ter par eux-mêmes. Ils n’é­taient qu’un poten­tiel et ne ris­quaient de man­quer à per­sonne d’extérieur.

Par­mi les per­sonnes qui ont tué des gens, il y en a qui, très tôt, l’ont sou­hai­té. Qui vou­laient aller au front, apprendre à se battre, “défendre leur pays” et buter du méchant. Pour arri­ver à pilo­ter un 2000 ou un SEM ou se retrou­ver avec un FA-MAS ou un SP 2022 dans les mains, il faut le vouloir.

Par­mi les per­sonnes qui ont inter­rom­pu une gros­sesse, je n’en connais pas qui l’aient sou­hai­té. Enceinte par acci­dent, par mal­adresse, oui ; enceinte déli­bé­ré­ment juste pour vivre l’ex­pé­rience de l’IVG, non.

Et pour­tant, il y a bien plus de manifs pour culpa­bi­li­ser les vilaines qui ont géré une situa­tion qu’elles n’a­vaient pas sou­hai­tée que pour culpa­bi­li­ser les vilains qui se sont por­tés volon­taires pour buter des gens.

Ah, et comme appa­rem­ment faut par­fois tout bien pré­ci­ser : le but de ce billet n’est pas de jeter l’op­probre sur les mili­taires et les femmes ex-enceintes. C’est plu­tôt contre ceux qui mani­festent contre des inter­rup­tions de “vies poten­tielles”, sans consé­quence sur la marche du monde, en igno­rant les mas­sacres bien réels menés un peu partout.

¹ Je sais pas qui (j’ai pas deman­dé à cha­cun), mais j’ai croi­sé suf­fi­sam­ment de mili­taires ou anciens mili­taires et de flics pour savoir que dans le lot, il y en a for­cé­ment qui ont effec­ti­ve­ment tué des gens.