Le vent se lève
|de Hayao Miyazaki, 2013, ****
Miyazaki a toujours eu un rapport ambivalent avec les choses volantes. Machines de rêves comme le petit ULM de Nausicaä, armes de destruction comme la flotte militaire du Château dans le ciel, voire les deux à la fois comme la surpuissante cité de Laputa elle-même, le père Miyazaki fait montre d’une véritable passion pour les machins qui volent et d’une vraie méfiance envers l’usage qu’on en fait.
En réinventant la vie de Jirō Horikoshi, fusionnée avec le roman romantique éponyme, Miyazaki prête à son personnage ses propres ambiguïtés. Jirō le répète à loisir : son but est de faire le plus bel avion possible, même si son utilisation doit être nuisible. À sa façon, c’est un idéaliste, un passionné, un rêveur ; un cynique et un bon gros salopard aussi, qui fait semblant d’ignorer que sa femme est mourante et préfère s’assommer de travail et poursuivre ses chimères plutôt que de prendre soin d’elle.
La réalisation est à l’habitude des productions Ghibli : animation de très haut niveau, graphismes soignés (un peu plus à l’ancienne que sur Le château ambulant et Ponyo sur la falaise, tant mieux), montage rythmé, tout ça. Les scènes oniriques où Jirō discute avec le comte Caproni de leurs avions idéaux viennent équilibrer un film très ancré dans une réalité plutôt sordide, au point parfois de rappeler furieusement Le tombeau des lucioles, œuvre déprimante de Isao Takahata, et l’ensemble est à la fois gracieux et tragique, abordant directement le séisme de Kantō (plus de 100 000 morts et des semaines d’incendies à Tōkyō), la montée du nazisme et du nationalisme, la maladie et l’échec, sans pour autant abandonner la recherche de beauté et de romantisme.
Globalement, cette œuvre supposée ultime de Hayao Miyazaki sort radicalement du lot de ses travaux précédents, délaissant un peu son habituelle poésie fantastique et son goût pour les femmes de caractère au profit d’un récit réaliste dur et masculin, avec un héros pas franchement sympathique. Ça surprendre sans doute les fans, mais c’est plutôt fort et je pense qu’à terme, comme Le tombeau des lucioles d’ailleurs, il restera dans les grands classiques de Ghibli.