Délivrance

de John Boorman, 1972, **

Il y a quelques semaines, ce vieux clas­sique que j’a­vais jamais vu pas­sait au ciné près de chez moi, du coup j’ai mis fin à une carence dans ma culture. J’avais oublié d’en par­ler, et puis voi­là, tout à l’heure, j’ai revu un film avec un canoë et un bar­rage et ça me l’a remis en tête.

Donc, Délivrance. Quatre cita­dins par­tis des­cendre une rivière en canoë, pour pro­fi­ter un peu de la nature avant qu’elle soit ava­lée par la mon­tée de la rete­nue nou­vel­le­ment construite, qui se retrouvent aux prises avec un lot de chas­seurs bas de plafond.

Deux méta­phores évi­dentes. D’abord, l’homme contre la nature, la perte de contact entre notre vie moderne et notre ins­tinct de pré­da­teur, et com­ment celui-ci peut resur­gir bru­ta­le­ment et défier toute morale. Et com­ment l’homme moderne peut, fina­le­ment, res­ter un pré­da­teur — qui prend des risques, chasse et se bat — ou deve­nir un porc — qui couine et se laisse égorger.

Ensuite, l’homme moderne et l’homme sau­vage, l’Américain sûr de lui, qui débarque conqué­rant dans un endroit où il n’a rien à faire et finit par se faire tran­cher en ron­delles par le Viet-Cong, à moins de deve­nir lui-même l’homme des bois — toute res­sem­blance avec le Kurtz d’Apocalypse now serait une coïn­ci­dence, Coppola étant à l’é­poque occu­pé par son navet le plus sur­fait, Le Parrain.

Le sou­cis, c’est qu’en-dehors de ces lec­tures méta­pho­riques, Délivrance n’est rien que l’his­toire de quatre cré­tins qui se font sans rai­son atta­quer par deux péque­nots, et finissent d’embuscade en rapides par arri­ver dans un sale état au pied du barrage.

Et vu comme ça, c’est juste une his­toire sans logique, sans queue ni tête, à la réa­li­sa­tion très inégale (men­tion spé­ciale à l’i­gnoble nuit amé­ri­caine lors de l’es­ca­lade de la falaise, à ger­ber) ; et je me dis que si l’on retient tou­jours l’ex­cel­lente scène d’in­tro­duc­tion sur Dueling ban­jos, c’est que c’est tout sim­ple­ment le seul moment mémo­rable du film.