Ucking igs

Y’a­vait un truc qui me titillait dans la fin du Monde selon Garp. Dans le der­nier cha­pitre, non, en fait, dans l’é­pi­logue, une Ellen Jame­sienne s’écrie :

‘Ucking igs!’

John Irving, fai­sant preuve de son didac­tisme un peu las­sant, nous explique (tra­duc­tion par mes soins, j’ai pas la ver­sion fran­çaise sous la main) :

Un “utain de or” était un “putain de porc”, mais il fal­lait désor­mais être une Ellen Jame­sienne pour com­prendre la malheureuse.

Ce truc m’a gêné, je savais pas trop pour­quoi. Je viens de mettre le doigt des­sus, c’est tout simple : les Ellen Jame­siennes se coupent la langue.

Or, le “f” et le “p” sont, res­pec­ti­ve­ment, une labio-den­taire et une bila­biale. En termes com­muns : la langue n’in­ter­vient pas dans leur pro­non­cia­tion. Se cou­per la langue n’empêche donc pas de les tour­ner à peu près correctement.

À l’in­verse, le “k” et le “g” sont des vélaires, c’est-à-dire qu’elles sont obte­nues en refer­mant la langue contre le voile du palais. Le “n”, pour sa part, est géné­ra­le­ment alvéo­laire (il peut être réa­li­sé dif­fé­rem­ment selon les locu­teurs) : la langue se pose sur le pla­teau juste der­rière les dents. Avec une langue cou­pée près de la base, ces trois consonnes sont imprononçable.

La pro­non­cia­tion de la demoi­selle aurait donc dû être ‘fu’i pi’.

Éton­nant qu’a­vec le sens du détail qui carac­té­rise le bou­quin, Irving ait lais­sé pas­ser une erreur aus­si grossière.