Quand vient la nuit

de Michael Roskam, 2014, ****

Il y a des films qui tentent de réin­ven­ter le film noir, et il y en a qui sont des films noirs dans le plus grand sens du terme. Quand vient la nuit est clai­re­ment dans cette optique : rien, ici, ne bou­le­ver­se­ra l’his­toire du polar ; mais res­pec­ter à la lettre l’in­té­gra­li­té des codes du genre n’empêche pas d’être solide, comme l’a­vait mon­tré A his­to­ry of vio­lence — le pré­cé­dent un peu encom­brant auquel on ne peut s’empêcher de pen­ser tant le point de départ est similaire.

Quant vient la nuit nous sert donc des ingré­dients clas­siques : un bar­man dis­cret qui, sans état d’âme par­ti­cu­lier, sert de coffre-fort occa­sion­nel à la mafia tchét­chène locale ; une femme fatale dotée d’un ex encom­brant à moi­tié psy­cho­pathe ; un mafieux tchét­chène qui veut récu­pé­rer les 5000 dol­lars que le bar­man s’est fait bra­quer ; un ancien pro­prié­taire de bar pas tota­le­ment hon­nête ; et un pit­bull de quelques mois qui traî­nait dans la pou­belle d’une femme fatale et qui a été récu­pé­ré par un bar­man discret.

Scénario sans ori­gi­na­li­té, mais bien construit, réa­li­sa­tion dis­crète et mon­tage soi­gné, acteurs sobres et durs, l’en­semble ne brille pas par son extra­va­gance mais est d’une soli­di­té irré­pro­chable. Je n’ai qu’une per­sonne à applau­dir, c’est Nicolas Karatsanis, qui nous a pon­du une pho­to clas­sique mais sublime où éclai­rage, com­po­si­tion et ambiance gra­phique sont impec­ca­ble­ment adap­tés au pro­pos. Mais si j’a­dresse peu d’ap­plau­dis­se­ments, je ne trouve per­sonne à blâ­mer, ce qui est plus rare : Quand vient la nuit est une chaîne toute bête, mais dont chaque maillon est for­gé du meilleur acier. Ce n’est pas la demeure d’ar­chi­tecte tape-à-l’œil d’un mil­lion­naire sur la rivie­ra, mais un clas­sique et solide mas pro­ven­çal, aux fon­da­tions fermes et aux murs épais et rassurants.

Bref, ce n’est pas un film bou­le­ver­sant qui essaie de par­ler à tout le monde ; mais pour les ama­teurs du genre, il a tout pour deve­nir un de ces grands clas­siques dont on parle peu, mais que l’on revoit avec plai­sir à chaque fois qu’il passe.