Freaks and geeks

de Paul Feig, 1999, ****

Quand on est fan de ciné et de séries télé, il y a des têtes qu’on a l’ha­bi­tude de voir çà et là. Des gens comme James Franco (127 heures, La pla­nète des singes : les ori­gines, Le monde fan­tas­tique d’Oz…), Jason Segel (neuf sai­sons de How I met your mother et Sans Sarah, rien ne va), Busy Philipps (Urgences, Terminator : les chro­niques de Sarah Connor), Samm Levine (Boston public, Inglourious bas­terds) ou Linda Cardellini (plus connue sous le sur­nom « la prin­ci­pale rai­son pour laquelle j’ai conti­nué à regar­der Urgences quand la série tour­nait en rond au milieu des années 2000 », ain­si que pour le très oubliable Scooby-Doo et le récent Avengers : l’ère d’Ultron).

Et un jour, on découvre qu’ils peu ou prou tous com­men­cé dans la même série mécon­nue, qui n’a à ma connais­sance jamais été dif­fu­sée en France, et du coup la curio­si­té pousse à s’y intéresser.

— Et ben moi, je vous le dis, cette fille-là, elle sera une super infirmère. — C'est ça, et toi tu construiras un gratte-ciel ? photo Dreamworks
— Et ben moi, je vous le dis, cette fille-là, elle sera une super infir­mière.
— C’est ça, et toi tu seras le pre­mier éco­lo à la Cour suprême ?
pho­to Dreamworks

C’est donc une série sco­laire, qui suit l’é­vo­lu­tion paral­lèle des deux enfants Weir, Linsday et Sam. Lindsay est junior (équi­valent de la classe de pre­mière) ; élève brillante par­ti­ci­pant aux com­pé­ti­tions de mathé­ma­tiques régio­nales, elle décide cette année-là d’ex­plo­rer un peu sa propre per­son­na­li­té et se met à fré­quen­ter un groupe de glan­deurs qui traînent leurs guêtres en fond de classe en atten­dant de quit­ter le lycée. Sam est fresh­man (équi­valent de la troi­sième, mais pre­mière année de lycée) ; nou­veau et pas spé­cia­le­ment grand, il reste timi­de­ment avec ses deux potes de col­lège et peine à s’in­té­grer au lycée.

C’est évi­dem­ment pas exempt de cli­chés ; d’ailleurs, les parents Weir sont pure­ment et sim­ple­ment des cli­chés sur pattes. C’est pas non plus exempt de répé­ti­tions et de lour­deurs, et le for­mat de trois quarts d’heure par épi­sode a vieilli pour ce genre de comé­die — c’est typi­que­ment le style de série qui, de nos jours, aurait un décou­page de 30 min.

— Un jour, je serai docteur… — Honnêtement, j'en mettrais pas ma main à couper. photo Dreamworks
— Un jour, je serai interne en méde­cine…
— Honnêtement, j’en met­trais pas ma main à cou­per.
pho­to Dreamworks

Mais il y a aus­si quelques vraies qua­li­tés, outre un cas­ting impres­sion­nant quand on le voit quinze ans plus tard. Si les adultes sont géné­ra­le­ment très stan­dar­di­sés, les enfants ont des rôles plus étu­diés, des per­son­na­li­tés qui évo­luent, des his­toires variées et creu­sées. Et sans aller jus­qu’à taper dans le tra­gique façon Les années col­lège, Freaks and geeks équi­libre sa base comique (voire bur­lesque) avec quelques pas­sages plus durs et psy­cho­lo­giques, notam­ment lors­qu’un gamin découvre que son père est infi­dèle, qu’on ren­contre la mère dépha­sée d’une gamine carac­té­rielle, que les bonnes inten­tions se trans­forment en enfer ter­restre ou que les rêves d’a­dos sont broyés par les choix de leurs parents.

Freaks and geeks se dis­tingue aus­si par le choix de l’é­poque : alors que les séries des­ti­nées aux ado­les­cents se placent qua­si-sys­té­ma­ti­que­ment dans l’ère contem­po­raine, celle-ci, dif­fu­sée en 1999, se déroule en 1980–81. La recons­ti­tu­tion est assez soi­gnée, aus­si bien sur le plan esthé­tique (fringues, coif­fures, déco­ra­tions…) qu’en ce qui concerne les centres d’in­té­rêt de l’é­poque : les geeks expé­ri­mentent le Super 8 et la vidéo, les parents s’in­té­ressent à l’é­lec­tion de Reagan, la musique de fond date de la fin des années 70 et les punks com­mencent juste à appa­raître… Il doit bien y avoir quelques ana­chro­nismes mais c’est glo­ba­le­ment cré­dible et réussi.

L’ensemble n’est donc pas tou­jours bou­le­ver­sant, mais c’est fran­che­ment sym­pa, un peu drôle, un peu triste, sou­vent atta­chant, et on a vu des choses bien moins bonnes avoir bien plus de succès.