Ma télé a un nom

Il y a quelques jours, je par­lais avec une connais­sance de séries télé­vi­sées. Abordant le cas de Orange is the new black, qui a occu­pé ces deux der­nières semaines une par­tie de mon temps libre, j’ai expri­mé le fait que la série était assez enthou­sias­mante par cer­tains aspects, mais pas dénuée de répé­ti­tions et que je crai­gnais qu’elle finisse rapi­de­ment par tour­ner en rond, ce qui après tout n’au­rait pas été éton­nant puisque c’é­tait de Jenji Kohan, qui avait créé Weeds.

Je ne sais pas à quelle réponse je m’at­ten­dais, mais je sais que je ne m’at­ten­dais pas à entendre :

Putain t’es trop un geek toi.

Oui, parce qu’ap­pa­rem­ment, se sou­ve­nir du nom de la créa­trice d’une série télé et recon­naître sa patte, c’est pas normal.

Je retiens pas toujours les noms, mais celui-là, je l'ai quand même vu treize fois en deux semaines. Sans compter Weeds.
Je retiens pas tou­jours les noms, mais celui-là, je l’ai quand même vu treize fois en deux semaines. Sans comp­ter Weeds.

Là, je me per­mets une petite réflexion : et les réalisateurs ?

Après tout, des phrases comme « ça a l’air bien fou­tu, mais pas super sub­til, en même temps c’est James Cameron » ou comme « un peu ver­beux mais bon, c’est Lynch, hein » passent comme des lettres à la Poste. On trouve nor­mal de se sou­ve­nir que Michael Mann a fait Heat et que Ben Affleck a fait Gone, baby… gone, mais se sou­ve­nir que Jenji Kohan a fait Weeds ou que Joss Whedon a pon­du Firefly avant de s’at­ta­quer à Avengers, c’est être geek ?

Pourtant, le nom du réa­li­sa­teur d’un film, on le voit une fois par film. Autant dire une fois par an dans le meilleur des cas, mais en vrai plu­tôt tous les trois-quatre ans. Le nom du créa­teur d’une série télé, on le voit à chaque épi­sode, soit par­fois toutes les semaines pen­dant six mois !

Un jour, Sam m'a montré que je voulais jamais devenir ce type et me réveiller tous les matins à côté de cette femme.
Un jour, Sam le cinéaste m’a mon­tré que je vou­lais jamais être ce type et me réveiller tous les matins à côté de cette femme. Mais Aaron le scé­na­riste aus­si m’a deman­dé com­ment je vou­lais évo­luer… pho­to Dreamworks

Et si j’ai cou­tume de dire que Sam Mendes a réel­le­ment chan­gé ma vie en me mon­trant qui je ne vou­lais pas deve­nir, cela ne fait pas oublier que de leur côté, Tom Kapinos, Ronald Moore, Paul Abbott et d’autres m’ont appor­té des heures de dis­trac­tion, de plai­sir et par­fois de réflexion, et ont éga­le­ment par­ti­ci­pé à ma construc­tion — Aaron Sorkin m’a même récem­ment fait réflé­chir à mon métier, ma car­rière et com­ment je les conçois.

Bref, je ne vois pas ce que ça peut bien avoir d’é­ton­nant de se rendre compte que cer­tains auteurs de télé­vi­sion ont une patte recon­nais­sable et font plu­sieurs séries inté­res­santes, comme cer­tains réa­li­sa­teurs enchaînent les chefs-d’œuvre et cer­tains auteurs pas­sionnent à coup sûr.

Et ma convic­tion, c’est que les auteurs de séries télé ont, autant que les cinéastes, les roman­ciers ou les des­si­na­teurs de BD, le droit d’être recon­nus quand ils le méritent.