La rage au ventre

d’Antoine Fuqua, 2015, ****

J’aime bien Antoine Fuqua. Ses réa­li­sa­tions sont géné­ra­le­ment des films d’ac­tion assez ordi­naires, mais bien fichus : Tireur d’é­lite était un des mieux docu­men­tés du genre et The equa­li­zer savait se réin­ven­ter juste au moment où il ris­quait de s’essouffler.

Avec La rage au ventre, il sort un peu de son genre de pré­di­lec­tion. Le cœur du film n’est en effet pas l’ac­tion, mais la rédemp­tion, le deuil et la famille. Il s’en­toure d’une bro­chette d’ac­teurs res­pec­tés (j’ai déjà dit ce que je pen­sais du petit Gyllenhaal et Whitaker fait par­tie des gens que je vais voir sans hési­ter) et d’un direc­teur pho­to qu’il connaît bien (Mauro Fiore, qui a par exemple fil­mé Avatar) pour assu­rer les bases, et part décou­vrir la ter­ra inco­gni­ta du mélodrame.

Belle utilisation d'une caractéristique physique : le personnage de Forest Whitaker est borgne. Et alcoolique, et fort, aussi. photo SND
Belle uti­li­sa­tion d’une carac­té­ris­tique phy­sique : le per­son­nage de Forest Whitaker est borgne. Et alcoo­lique, et fort, aus­si. pho­to SND

Bon, d’un côté, on sent par­fois un léger manque de maî­trise. Certaines scènes en font beau­coup dans le pathos et un peu de sobrié­té n’au­rait pas été du luxe — notam­ment le pre­mier pas­sage au tri­bu­nal, où le per­son­nage cen­tral est assez clai­re­ment à côté de ses pompes. Dieu mer­ci, les acteurs impec­cables per­mettent de faire pas­ser la pilule sans for­cer ; j’a­dres­se­rai ici une remarque par­ti­cu­lière pour le duo Jake Gyllenhaal — Oona Laurence, qui fonc­tionne mer­veilleu­se­ment bien et fait tota­le­ment oublier les dia­logues un peu lourds qu’on lui fait par­fois prononcer.

D’un autre côté, la patte du fai­seur d’ac­tion est fina­le­ment un atout pour le mélo : elle assure que le mon­tage soit ner­veux, pas trop lan­guis­sant, et envoie immé­dia­te­ment un plan bien fort et bien pre­nant après toute séquence vague­ment faiblarde.

Les coups, quand ils vous arrivent, ça fait mal. photo SND
Les coups, quand ils vous arrivent, ça fait mal. pho­to SND

Le per­son­nage prin­ci­pal étant boxeur, la vir­tuo­si­té de Fuqua est éga­le­ment mise à contri­bu­tion sur le ring : les com­bats sont admi­ra­ble­ment fil­més, avec un côté rentre-dedans immer­sif qui lorgne du côté de Michael Mann. Gyllenhaal a pour sa part pris des cours de boxe et ça se voit : cré­dible jus­qu’au bout des gants, il prend sans défaillir la suite de com­bat­tants comme Will Smith, Mark Whalberg et Joel Edgerton.

L’ensemble n’est donc pas un très grand mélo, mais c’est un film équi­li­bré tout à fait recom­man­dable, por­té essen­tiel­le­ment par des acteurs en très, très grande forme.