Thank you for smoking

de Jason Reitman, 2004, ****

Que disait Vergès au moment d’ac­cep­ter de défendre Klaus Barbie ? Invoquait-il des grands prin­cipes comme le droit à un pro­cès équi­table ? Cherchait-il la gloire média­tique ? Faisait-il sim­ple­ment son tra­vail pour rem­bour­ser son emprunt ? Hormis lui — et encore : peut-être —, nul ne sait. Tout comme, à la sor­tie de Thank you for smo­king, il n’est pas facile de déci­der si Nick Naylor est un simple qui­dam cher­chant à gagner sa vie, un col­la­bo pas­sif se disant qu’il y aura de toute façon quel­qu’un pour faire ce sale bou­lot, un cynique aimant le débat ou une authen­tique ordure ado­rant pour­rir les pou­mons des gens.

Le film lui-même fait un choix osé : per­sonne de sen­sé n’ai­me­ra le per­son­nage prin­ci­pal. Traditionnellement, c’est une bonne recette pour se plan­ter, mais ici cela fonc­tionne : Thank you for smo­king mise non sur la sym­pa­thie, mais sur la fas­ci­na­tion. Nick est remar­quable. Il a un vrai talent, enchaîne les argu­ments les plus cyniques avec un natu­rel confon­dant, et accepte les pires tâches sans jamais se démon­ter. Kaa, mais avec le sou­rire de George Clooney. Et on est d’au­tant plus heu­reux lorsque le ser­pent se fait bai­ser par une Eve encore plus retorse que lui.

C’est un très bon bou­lot, pas aus­si drôle que Juno bien sûr (qui reste pour moi le chef-d’œuvre du petit Reitman, et même de la famille vu qu’un mau­vais du fils vaut un bon du père), mais superbe d’a­ci­di­té et d’hu­mour noir à froid. Voir cette œuvre, c’est un peu comme cro­quer une pru­nelle à pleines dents : ça fait de l’ef­fet, ça crispe un peu la mâchoire, ça laisse une impres­sion pas for­cé­ment agréable mais c’est une expé­rience à vivre.