Rio

de Carlos Saldanha, 2011, * (et encore…)

Saldanha, c’est un type à qui j’ai ten­dance à faire confiance. Et pour cause : il a pon­du une petite tri­lo­gie sans impor­tance appe­lée L’âge de glace, qui fait par­tie avec la série des Shrek et Cars des rares purs chefs-d’œuvre de l’a­ni­ma­tion 3D.

Du coup, on ne sera pas sur­pris de la réus­site tech­nique totale que repré­sente Rio. L’animation est impec­cable, la « pho­to » est d’un réa­lisme et d’une beau­té épous­tou­flants, le mon­tage est irré­pro­chable entre rythme et ralen­tis… Tout est beau, tout est bien, c’est sublime.

Alors, pour­quoi ça prend * ?

Y’a une rai­son simple : le scénario.

En creu­sant un peu, j’ai décou­vert un « détail » : l’é­quipe de scé­na­ristes n’est pas celle des L’âge de glace. Don Rhymer, pre­mier signa­taire de cette « œuvre », nous a pré­cé­dem­ment gra­ti­fiés des inou­bliables Big mam­ma et de Alvin et les Chipmunks. Ah oui, c’est lourd, c’est même le concept du pre­mier cité. Le reste de l’in­ter­mi­nable équipe de scé­na­ristes, je ne les connais pas.

Alors, ce scé­na­rio ? Ben, en deux mots : à chier. Il y a quelques scènes mar­rantes, quelques trou­vailles vrai­ment réus­sies, mais dans l’en­semble c’est mou, pré­vi­sible, sans ori­gi­na­li­té, et extrê­me­ment répé­ti­tif (c’est bon, on a com­pris que Blu sait pas voler, c’est pas la peine de nous le rap­pe­ler à chaque fois qu’une scène repose là-dessus).

Mais le truc qui m’é­nerve vrai­ment, c’est le mes­sage pro­fond du film : les gens du Minnesota (état froid du nord des États-Unis, connu pour ses tem­pé­ra­tures néga­tives six mois par an) sont des cré­tins froids qui savent pas s’a­mu­ser, parce que lire un livre c’est chiant alors que se tré­mous­ser sur de la sam­ba c’est le seul vrai amu­se­ment de la pla­nète. Message annexe, ça va sans doute avec : réflé­chir, c’est con, mieux vaut foncer.

J’ouvre une petite paren­thèse : ça me rap­pelle les pénibles qui com­mencent par vous traî­ner en boîte contre votre gré, puis passent la soi­rée à vous repro­cher de ne pas ges­ti­cu­ler comme un cré­tin en mimant des rap­ports sexuels le t‑shirt accro­ché der­rière la tête au milieu d’une piste de danse bon­dée au rythme binaire d’une tech­no-danse assour­dis­sante. Et qui, le len­de­main, vous lâchent que « ah, ça fait plai­sir, pour une fois que tu t’a­mu­sais », parce que ça ne leur vient même pas à l’i­dée d’i­ma­gi­ner que vous ayez pu ne pas trou­ver ça amu­sant et que vous auriez pré­fé­ré res­ter au bis­tro, boire deux plan­teurs, sau­ter gen­ti­ment en mimant le riff de Come as you are et, au pire, esquis­ser un pas de rock hési­tant avec votre voi­sine sur Harvest moon. Fin de la parenthèse.

Alors même que l’on a vu arri­ver des films façon « cha­cun fait ce qui lui plaît », où l’im­por­tant est de trou­ver son vrai moi et un équi­libre épa­nouis­sant (Cars, Kung-fu pan­da, Shrek…), ici, on pro­meut une forme unique de jouis­sance uni­ver­selle, où les per­son­nages posés et réflé­chis sont tour­nés en ridi­cule et finissent par lais­ser tom­ber leur librai­rie et leur cercle de proches pour s’é­cla­ter à Rio-qu’est-tel­le­ment-bien-que-le-reste-c’est-de-la-merde, oubliant éga­le­ment tout ce qui res­sem­blait à leur per­son­na­li­té. Transcendance pour les uns, confor­misme pour les autres, en somme…

Donc voi­là, mal­gré la réus­site tech­nique indé­niable, je mets une étoile et je trouve ça exces­si­ve­ment gen­til. C’est triste, mais c’est la vie.