Devil inside

tas de boue de William Bell, 2012

Vous connais­sez le concept de film d’é­pou­vante ? L’idée, c’est de jouer sur les peurs ins­tinc­tives pour pro­vo­quer une ten­sion chez le spec­ta­teur. Et si pos­sible, de pas trop lui en mon­trer, pour qu’il ne puisse pas trop relativiser.

Il faut donc que le film soit réa­liste pour per­mettre au spec­ta­teur d’y croire, assez mal fil­mé pour qu’il ne com­prenne pas trop ce qu’il se passe, plein de sus­pens, et que les trucs qui font peur jouent sur l’ins­tinct de sur­vie, la claus­tro­pho­bie, l’é­touf­fe­ment, etc.

C’est exac­te­ment ce qui ne marche pas dans Devil inside.

Il suf­fit d’une paire de scènes pour qu’on « sorte » du film, qu’on cesse défi­ni­ti­ve­ment d’y croire. Ça pour­rait aider, soit dit en pas­sant, d’a­voir des acteurs un tant soit peu ins­pi­rés, parce que quand ils parlent de pos­ses­sion démo­niaque avec la convic­tion du type qui hésite entre baguette aux céréales et pain de cam­pagne, ça le fait pas.

Ensuite, ben c’est mal fil­mé, mais pas comme il faut, non : juste mal fil­mé. On voit assez bien ce qu’il se passe, enfin, les rares fois où il se passe quelque chose, mais c’est moche, gra­nu­leux et tout et tout. Et puis bon, faut quand même bien com­prendre une chose : le truc de la camé­ra à l’é­paule pour faire repor­tage, cen­sé appor­ter du réa­lisme, ben ça marche plus. D’abord parce que les docu­men­ta­ristes de main­te­nant savent tenir une camé­ra : quand le mec qui filme Michael Moore court camé­ra à la main, ben c’est plus stable que quand vous visez à l’é­paule, donc on voit tout de suite que vous le faites exprès. Ensuite parce que, quand on colle une camé­ra récente en mode tout auto, elle sait faire une expo­si­tion assez cor­recte, elle filme en HD avec un bon piqué, l’i­mage saute pas et y’a plus de neige depuis la fin des VHS ; donc si votre truc est cen­sé se pas­ser en 2009, il doit pas avoir la même image que Le pro­jet Blair Witch. Enfin parce que quand on filme avec un camé­scope à la pro­fon­deur de champ qua­si infi­nie, y’a abso­lu­ment rien qui jus­ti­fie les coups de flou bru­taux, à moins que votre rai­son­ne­ment soit du genre « le camé­ra­man panique, alors il appuie bru­ta­le­ment sur le bou­ton Macro pour se cal­mer les nerfs ».

Côté sus­pense, ben non, déso­lé, y’a pas d’am­biance, donc pas de sus­pense, juste des lon­gueurs. Très très longues.

Je m’at­tar­de­rai même pas sur les scènes qui font peur, qui sont tel­le­ment basées sur le reli­gieux qu’elles n’é­vo­que­ront quelques chose qu’aux plus avides bouf­feurs de bibles. Les autres note­ront que c’est le pre­mier film d’hor­reur qui, plon­geant dans une cave avec quatre per­sonnes, une pos­sé­dée et une camé­ra, trouve le moyen de ne jamais jouer sur le manque d’espace.

Et puis bon, le nombre de ques­tions en sus­pens à la fin, et cette espèce de cou­pure façon Easy rider, montrent que le mec qui s’est occu­pé du scé­na­rio soit n’en avait rien à foutre, soit ne savait pas quoi faire et n’a pas vou­lu essayer de réfléchir.

Bref, Devil inside pré­tend faire peur, mais il fait plu­tôt dormir.

(Et si le Vatican ne veut pas qu’on le voie, comme le pré­tend la pub, ça doit être parce qu’au Vatican aus­si, il y a des ciné­philes qui essaient sin­cè­re­ment de nous épar­gner une heure vingt d’ennui.)

PS : j’ou­bliais, y’a quand même un truc qui fera peur à tous les lin­guistes : d’a­près Devil inside, on peut conclure que tous les Italiens parlent anglais sans accent. D’ailleurs, ils parlent anglais entre eux, sauf trente secondes au début de chaque dia­logue pour mon­trer qu’ils sont Italiens. Ah, et sauf l’in­fir­mière qui dit « muy tarde » au lieu de « mol­to tar­di », aus­si. Je sup­pose que le direc­teur a pris n’im­porte quelle per­sonne qui par­lait une langue vague­ment latine et lui a dit « you go there, and you say “very late”, but in your tongue you know ».