Secret défense

de Philippe Haim, 2008, ****

Il est en tôle, mal dans sa peau, mais heu­reu­se­ment pour lui, ses com­pa­gnons de cel­lule peuvent lui mon­trer la voie. Elle est pute, étu­diante en arabe, et croise enfin un mec bien.

Il est doc­teur, culti­vé et intel­li­gent ; il est ven­deur de pinard, un peu brut de décof­frage mais pas moins rusé. Et ils jouent au billard, cha­cun sup­po­sant que l’autre vise la boule numé­ro 6 en trois bandes mais se deman­dant vague­ment s’il ne vise pas en fait la 9 en cinq bandes…

Le film est racon­té du point de vue de la boule blanche et d’une poche. Autant dire que le spec­ta­teur, qui en sait pour­tant un peu plus qu’eux, n’est pas for­cé­ment bien aidé pour suivre les sub­ti­li­tés des types qui mani­pulent les queues.

Et c’est sans doute là la force maî­tresse du film, qui repose certes sur des acteurs somp­tueux et une réa­li­sa­tion sans faille, mais éga­le­ment sur un scé­na­rio et sur­tout un par­ti-pris nar­ra­tif : lais­ser le spec­ta­teur s’in­ter­ro­ger et réflé­chir plu­tôt que de lui mâcher le tra­vail. Une idée extrê­me­ment ris­quée, où plus d’un s’est brû­lé les ailes (reli­sez donc mon petit mot sur Syriana), mais qui per­met lors­qu’elle fonc­tionne de trans­for­mer un film d’es­pion­nage banal en petit chef-d’œuvre à côté duquel le meilleur James Bond peut aller se rhabiller.

Un regret ? Oui, peut-être : l’ab­sence de réflexion sur les racines du mal. « Il y a des ter­ro­ristes » est pré­sen­té comme un fait en soi, et non comme un mou­ve­ment humain que l’on peut favo­ri­ser ou non ; sur ce plan, on est loin de Mensonges d’é­tat. En revanche, Secret défense dépasse le chef-d’œuvre de Ridley dans le domaine du sui­vi des per­son­nages, de leurs rela­tions, de leurs oppo­si­tions et de leurs trahisons.

Une vraie fai­blesse ? Oui, défi­ni­ti­ve­ment : il est urgent d’ac­cro­cher le com­po­si­teur de la musique d’am­biance par les oreilles jus­qu’à ce que sur­di­té s’en­suive. Il pose son bruit sans aucune sub­ti­li­té, de façon tota­le­ment pré­vi­sible (un peu à la manière des rires enre­gis­trés des séries amé­ri­caines), et démo­lit plu­sieurs scènes en débar­quant comme un rhi­no­cé­ros dans un maga­sin de doughnuts.

Reste que tout cela nous fait un excellent film de billard, sans com­pa­rai­son avec Albino alli­ga­tor (Yes ! J’ai réus­si à pla­cer ce nanard dans la conversation !).