Travail dominical

Alors voi­là, c’est la polé­mique du moment : doit-on auto­ri­ser les gens à bos­ser le dimanche ?

Bon, concrè­te­ment, je m’en cogne un peu, je vois pas pour­quoi le dimanche est sacra­li­sé ain­si (ou je refuse de voir l’hé­ri­tage chré­tien qui traîne…) et en même temps, j’ai ten­dance à pen­ser qu’il est bien que tous les membres d’une famille aient au moins un jour de congé commun.

Donc, je me dis : pas de rai­son d’in­ter­dire stric­te­ment le tra­vail domi­ni­cal, mais des rai­sons de faire en sorte qu’on ne puisse pas l’im­po­ser à un salarié.

Là où je suis vrai­ment sur le cul, c’est de voir comme tout le monde fait comme si per­sonne ne tra­vaillait le dimanche. Même les jour­na­listes ayant pro­duit le 20 h du jour semblent avoir oublié leur propre cas !

Oui, il y a énor­mé­ment de gens qui bossent le dimanche. Dans les médias, dans les trans­ports, dans la san­té, dans la sécu­ri­té, dans l’a­li­men­ta­tion ou l’hô­tel­le­rie… En fait, le débat ne se pose que pour la pro­duc­tion indus­trielle et cer­tains com­merces : dans le reste de l’ac­ti­vi­té, on conti­nue sept jours sur sept et ça ne choque personne.

Par ailleurs, fon­da­men­ta­le­ment, il y a plu­sieurs solu­tions simples et logiques.

— On inter­dit stric­te­ment le tra­vail le dimanche. N’ou­bliez pas d’a­che­ter du pain, n’ayez pas d’ac­ci­dent, ne tom­bez pas malade, de soyez pas agres­sés — ou peut-on éga­le­ment inter­dire aux voleurs, microbes et autres mal­fai­sants de tra­vailler le dimanche ? Cette solu­tion est tota­le­ment inap­pli­cable et incohérente.

— On auto­rise le tra­vail le dimanche. À vous de négo­cier au cas par cas avec votre patron si vous vou­lez vos week-ends. C’est simple et clair, ça ne pose pas de pro­blème sauf peut-être pour la garde des gosses (et, plus géné­ra­le­ment, ça peut poser des pro­blèmes sociaux).

— On consi­dère que tra­vailler le dimanche doit res­ter excep­tion­nel. La logique veut alors que tous les employés tra­vaillant le dimanche soient dédom­ma­gés, par prime sala­riale ou repos sup­plé­men­taire par exemple. (Dans ce cas, fau­dra que je pense à négocier.)

Toutes les autres solu­tions sont ban­cales et prêtent à la cri­tique. Celle envi­sa­gée actuel­le­ment est très clai­re­ment la plus conne pos­sible et ima­gi­nable. En gros, on va auto­ri­ser les patrons à impo­ser le tra­vail domi­ni­cal, ce qui est une dis­cri­mi­na­tion entre les sala­riés pos­sé­dant un patron sym­pa et ceux bos­sant pour une enflure. Mais on ne va l’au­to­ri­ser que dans cer­taines zones, ce qui est une dis­cri­mi­na­tion entre employés bos­sant au 22 rue Duge­nou et ceux bos­sant au 21 rue Duge­nou, mais aus­si entre entre­prises ins­tal­lées dans des endroits dif­fé­rentes. Et cette auto­ri­sai­tion sera liée à une com­pen­sa­tion (prime et congé) dans cer­tains cas et pas dans d’autres, dis­cri­mi­na­tion supplémentaire.

Auto­ri­ser le tra­vail domi­ni­cal sur la base d’un tirage au sort obli­ga­toire eût été plus compréhensible.

La boîte qui aura la pos­si­bi­li­té d’im­po­ser à ses sala­riés le bou­lot le dimanche sans com­pen­sa­tion est dans une situa­tion qui va filer un orgasme durable au MEDEF ; celle qui devra fer­mer sans pos­si­bi­li­té d’a­mé­na­ge­ment même pour les sala­riés que ça arrange subi­ra des res­tric­tions tota­le­ment cré­tines héri­tées de la Genèse biblique.

Bref, comme d’ha­bi­tude, quand on hésite entre deux solu­tions impar­faites, on choi­sit une tierce voie, pire que les deux précédentes.