Au 41è pélican.

Péli­can, nez au vent, approche doucement,

Cal­me­ment, len­te­ment, la sur­face d’un étang.

Son ventre touche l’eau, il pousse pour avancer,

Pour gar­der sa vitesse, prêt à re-déjauger.

Quand enfin il est stable, il plonge son bec dans l’onde

Et avale six tonnes d’eau en à peine dix secondes !

Il tire pour s’en­vo­ler, car il n’a plus trop soif

Et son ventre alour­di quitte enfin la surface ;

Pre­nant de la vitesse, il la frôle un instant

Puis reprend sa mon­tée, droit vers le firmament.

La forêt, dans le Var, est en feu ; c’est le drame,

Péli­can s’en vient et régur­gite sur les flammes.

Car c’est le tra­vail, la fier­té de Pélican :

En cet été par­ti­cu­liè­re­ment ardent,

Les Maures ver­dissent encore, c’est un peu grâce à lui :

Péli­can a sau­vé des dizaines de vies,

Des cen­taines de vil­las et des mil­liers d’hectares,

À Antibes, à Mar­seille, dans l’Hé­rault, dans le Gard.

Péli­can ne s’in­quiète pas des gens qu’il arrose,

Qu’ils soient bons ou mau­vais, qu’ils votent brun ou bien rose.

Péli­can prend les mêmes risques pour un écureuil,

Pour un chêne, pour un pin, une linotte, un bouvreuil,

Un bour­geois qui se plaint du bruit des Pélicans

Qui sur­volent de trop près sa terre à l’entraînement,

Un p’tit gars bien gen­til qui tran­quille promenait

Quand le grand incen­die a pris dans la forêt.

Nous qui lais­sons traî­ner nos canettes de bière,

Qui sur un sol trop sec jetons nos clopes par terre,

On pour­rait remer­cier Péli­can et ses frères

Autre­ment qu’en pleu­rant leur bud­get, leur salaire,

Ou en les oubliant sitôt l’é­té passé ;

Car, dans l’in­dif­fé­rence, Péli­can est tombé.

(13/03/04)